Né en 1931 à Strasbourg, Tomi Ungerer est un auteur-dessinateur alsacien très prolifique. Voyageur, il est toujours resté enraciné à sa région natale et son œuvre en est vastement inspirée. C’est un artiste plébiscité en Alsace, qui est étudié par toutes les générations d’Alsaciens à l’école. Il a rencontré un succès fou à l’international, et bizarrement plus en Alsace, en Allemagne et aux États-Unis qu’en France ! Sa mort en 2019 a attristé plus d’un Alsacien. Il laisse derrière lui de brillantes œuvres. Portrait de l’illustrateur.
Une œuvre inspirée de son enfance et de sa région d’origine
Les illustrations de Tomi Ungerer sont largement nourries de son enfance. Issu d’une famille d’horlogers, il a pu observer son père œuvrer pour l’horloge astronomique de la cathédrale de Strasbourg. C’est ainsi que les automates et autres figurines de ce type parsèment les dessins de Tomi Ungerer. De même, la cathédrale est très présente dans ses illustrations, tout comme les paysages qui ont bercé son enfance : les villages typiques alsaciens, le château du Haut-Kœnigsbourg, etc. L’Alsace constitue un véritable répertoire d’images pour son œuvre. Souvent marqué par son aspect hors du temps et sa tendresse, cela ne l’empêche pas de montrer un tout autre style avec des dessins satiriques.
Un dessinateur pluriel : des contes pour enfants aux dessins satiriques
Tomi Ungerer porte deux visages. Il a, d’une part, illustré voire parfois écrit de nombreux albums et contes pour enfants, à l’image de Jean de la lune, Les Trois brigands et Le géant de Zéralda. Ces derniers sont les plus connus, mais on pourrait encore citer la série des Mellops, Le Nuage bleu, Amis-amies, etc. Ses livres font tomber les normes. L’auteur réhabilite des personnages de réputation contestable (comme les brigands ou les ogres) : il choque, tout en conservant cet aspect réconfortant et doux que transmet sa plume.

© Musées de la Ville de Strasbourg / Diogenes Verlag AG Zürich. Photo : Musées de la Ville de Strasbourg / Martin Bernhart



D’autre part, il observe et décortique la société de son temps pour livrer une satire sociale. Son ton acerbe et pointu est caractéristique. Bon nombre de ses affiches et dessins ont connu un vif succès international comme Black Power/White Power. Il s’agit d’une affiche iconique contre le racisme où un blanc et un noir s’entre-dévorent.

Affiche exposée au musée Tomi Ungerer de Strasbourg. « Black Power / White Power » • ©
Musées de la Ville de Strasbourg / Diogenes Verlag AG Zürich. Photo : Musées de la Ville de Strasbourg / Martin Bernhart
Une vie portée par son attachement au bilinguisme et au dialecte alsacien
Tomi Ungerer a vécu une enfance marquée par la Seconde Guerre mondiale et le nazisme. Il s’est alors pleinement impliqué pour la réconciliation entre la France et l’Allemagne. Il représente l’ouverture sur le monde et, à ce titre, il lui tenait à cœur de développer le bilinguisme. Il a notamment soutenu l’association A.B.C.M. Zweisprachigkeit (Association pour le Bilinguisme en Classe dès la Maternelle). C’est ainsi en partie grâce à lui que l’Alsace connaît un enseignement bilingue solide.
Il a imaginé en 1988 une fontaine construite pour célébrer le bimillénaire de la fondation de la ville de Strasbourg : ce monument illustre son engagement. On peut aujourd’hui admirer la Fontaine de Janus sur la Place Broglie à Strasbourg, face à l’Opéra. Elle est composée de la tête de Janus à moitié immergée dans l’eau surmonté d’un aqueduc. La fontaine est forte en symboles. Elle représente la double culture latine et germanique de la ville. En effet, on a, pour commencer, le rappel aux origines romaines de la cité avec l’aqueduc et l’inscription « Argentoratum MM » (qui est le nom latin de Strasbourg). De l’autre côté de l’aqueduc, au contraire, on trouve l’inscription « Strasbourg 2000 ». De plus, Janus présente deux têtes : l’une tournée vers le centre historique (la Grande Île) et l’autre vers le quartier de la Neustadt (le quartier impérial allemand).


À savoir 😀
Aujourd’hui l’œuvre de Tomi Ungerer est largement connue en Alsace. C’est surtout Les Trois Brigands, livre édité en 1961 (aussi connu sous le titre allemand Die drei Räuber), qui est très répandu. L’album à la couverture bleue et noire a été lu et étudié par tous les enfants alsaciens des dernières générations. Beaucoup d’enseignants l’utilisent pour des séquences de cours en maternelle et en primaire. Il est très exploité dans les classes bilingues qui lisent alors le livre en allemand ! Histoire percutante, elle a marqué des générations d’enfants et est devenue un classique du livre de jeunesse en Alsace.

L’histoire met en scène trois brigands malfaisants qui, armés d’un tromblon, d’un soufflet à poivre et d’une hache, sèment la terreur dans les campagnes. Mais leur rencontre avec la petite Tiffany va les transformer en des personnages bienveillants.
Notons encore pour ce livre le graphisme qui suit le style des estampes japonaises avec la structure des illustrations et les larges plages de couleur.
Un musée dédié à Tomi Ungerer à Strasbourg
Le Musée Tomi Ungerer – Centre international de l’illustration a vu le jour en 2007 et présente dans ses collections un fond de 14.000 dessins donnés par l’artiste à sa ville natale. Le musée présente à la fois ses dessins de livres pour enfants, ses illustrations satiriques et publicitaires ainsi que d’autres œuvres de presse satiriques de plusieurs dessinateurs reconnus (comme Reiser, Siné, Satjinac et Wolinski).
Ainsi, Tomi Ungerer a eu le luxe d’avoir de son vivant un musée qui lui est consacré !







Petit bonus : Vous pouvez actuellement voir des trams à l’effigie de l’illustrateur circuler dans Strasbourg !
