Le château de Vincennes
Secrets de châteaux – n°3 | Vincennes
Le château de Vincennes n’était, au départ, qu’un modeste pavillon de chasse, devenu petit à petit une résidence royale. Aujourd’hui, il se démarque par son haut donjon, qui fait de lui une des hautes forteresses de plaine d’Europe.
Le château n’a cependant pas toujours été une résidence royale. Il a également été une redoutable prison et a également accueilli une manufacture de porcelaine. Dans cet article, nous allons accompagner le général Daumesnil, alors chargé de défendre le bois et le château de Vincennes, en plein cœur de la Bataille de Paris.
Son histoire en quelques lignes
Le pavillon de chasse
Le château n’était auparavant qu’un pavillon de chasse que Louis VII avait aménagé dans les années 1150, puisque les bois de Vincennes regorgent de gibiers.
Plus tard, Philippe Auguste transforme le pavillon de chasse en manoir en 1180.
La naissance d’une forteresse
En 1337, Philippe VI de Valois fortifie le site en construisant un donjon à l’ouest du manoir.
Ce n’est que plus tard que, Charles V de France, né dans le château quelques années auparavant, en fait sa résidence, le siège de son gouvernement et de la haute administration. Il réalise d’importants travaux, dont l’enceinte monumentale avec ses tours, la Sainte-Chapelle, et plus tard, son imposant donjon qui protège le Roi et sa cour.
Le choix de Versailles
Les rois se succèdent à Vincennes jusqu’à ce que le château soit définitivement délaissé comme résidence royale lorsque le roi Louis XIV s’installe à Versailles, vers 1670. Quant à Louis XV, il n’y séjourne que quelques mois, lorsqu’ il y est envoyé à la mort de Louis XIV en septembre 1715, l’air y étant jugé plus sain qu’à Versailles.
Louis XVI n’y a fait aucun séjour.
Une prison et manufacture royale
Le grand donjon, qui autrefois servait à protéger le roi, est aménagé en petite prison d’État, pouvant accueillir quatorze détenus.
Au XVIIIe siècle, le château se transforme en manufacture dédiée à la production de porcelaine, alors que le donjon reste une prison d’Etat qui enferme de grands noms : Voltaire, Mirabeau… Diderot quant à lui, est emprisonné non loin, dans un bâtiment attenant à la Sainte-Chapelle.
Par un édit de février 1788, Louis XVI décide se débarrasser du château, par la vente ou la démolition. En effet, le château n’est plus vraiment utilisé et constitue un véritable gouffre financier.
Quelques années plus tard, des ouvriers, qui ne veulent pas d’une nouvelle Bastille, tentent de détruire le donjon mais ils sont arrêtés de justesse par les troupes de Lafayette. En s’alliant avec la garde nationale parisienne, Lafayette permet de sauver le donjon.
Le donjon redeviendra par la suite une prison d’État, mais dont les conditions de détention se sont relativement durcies.
Établissement militaire
En 1796, on détruit les restes du pavillon de chasse et on construit de nouveaux bâtiments militaires afin de convertir le château en arsenal.
La Bataille de Paris
Le 30 mars 1814 se déroule la Bataille de Paris. Elle est la dernière bataille de la Campagne de France, qui oppose l’armée impériale française, face aux armées européennes alliées : empire russe, royaume de Prusse, empire d’Autriche, Royaume de Bavière. Les Français ne sont que 40 000, face à pas moins de 100 000 Européens.
La défaite française marque ainsi la fin du règne de Napoléon Ier.
Quelques années auparavant, en 1912, le général Pierre Daumesnil devient le gouverneur du château de Vincennes, alors devenu un arsenal d’où sortent jusqu’à 350 000 cartouches et 40 000 gargousses par jour. L’importance de ce lieu est si grande que l’Empereur lui-même, dans un ordre spécial, prescrit au général Daumesnil d’y habiter, de ne jamais découcher, et de ne pas s’en absenter un instant sans ordre.
1814
La bataille se déroule sur la rive droite de la Seine, du bois de Vincennes au bois de Boulogne. Le château est défendu une première fois par le général Daumesnil en mars 1815.
La capitulation signée le 30 mars 1814 prescrit en effet que le matériel qui couronne les hauteurs de la capitale doit être livré le lendemain à l’ennemi. Daumesnil, la nuit même, sort de Vincennes avec 250 chevaux, enlève et introduit dans la place des canons, fusils et munitions, matériel estimé à plusieurs millions.
Le général défend une seconde fois le château lors de l’occupation de Paris par les troupes russes et prussiennes, qui souhaitent s’emparer de l’arsenal du château. L’arsenal de Vincennes renferme un matériel considérable : plus de 52 000 fusils neufs, plus de 100 pièces de canon, plusieurs tonnes de poudre, balles, boulets, obus et sabres.
Les troupes ennemies se heurtent à une résistance acharnée : avec moins de 200 hommes, le général refuse de se rendre. Il défend ce poste avec le plus grand courage contre les troupes alliées. Insensible aux pressions et aux tentatives de corruption. On lui propose en effet plus d’un million pour une capitulation, mais Daumesnil rejette l’offre avec mépris et déclare :
« Mon refus servira de dot à mes enfants. »
Impatient de rester inactif dans ces murs, il fait une sortie à la tête de quelques invalides, prend et reprend trois fois le village de Vincennes et ramène des canons prussiens dans la place.
« Nous vous ferons sauter », dit un des parlementaires prusses. « Alors je commencerai », répond le brave général, en lui montrant une énorme quantité de poudre ; « nous sauterons ensemble. »
Le général résiste au siège et aux menaces des armées prussiennes et russes pendant plus de cinq mois.
Il finit malheureusement par capituler sur ordre de Louis XVIII, mais brandit avec fierté son drapeau tricolore en sortant enfin de la forteresse.
Daumesnil est finalement mis à la retraite par le gouvernement royal.
L’après…
Au 19e siècle, c’est Napoléon III qui confie à Viollet-le-Duc le soin de restaurer la chapelle et le donjon.
Pendant la Première Guerre mondiale, c’est près du château que des traîtres sont fusillés pour espionnage, comme la danseuse Mata Hari.
Pendant la Seconde Guerre mondiale, le château sert de quartier général à l’état-major du général Maurice Gamelin, chargé de la défense de la France contre l’invasion allemande de 1940.
En août 1944, trois divisions de la Waffen SS en retraite du front de Normandie s’installent dans les lieux où ils exécutent pas moins de 30 otages, et détruisent trois dépôts de munitions installés dans des casemates au moment de la libération de Paris.
L’incendie provoqué dura alors près de huit jours et provoque des dégâts irréversibles : une partie des collections fut détruite, le pavillon du Roi en ruines, celui de la reine partiellement détruit.
Aujourd’hui, le château est restauré et abrite notamment le Service Historique de la Défense.